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15 décembre 2016 4 15 /12 /décembre /2016 15:20

Le Territoire des Pétrocores

            Depuis la fin du XIXe siècle, les historiens ont essayé de retrouver les limites de ce que fut le territoire des Pétrocores, tribut gauloise qui a laissé son nom au Périgord, et ils sont tous à peu prés d'accord pour convenir que les limites actuelles du département de la Dordogne sont sensiblement les mêmes que celles de l'époque antique.

La toponymie et l'hagiographie ouvrent de nouvelle perpective dans le domaine de la recherche historique lorsque les documents d'archives font défauts. L'étude des noms de lieux et celles des titulaires et patrons de paroisses permet d'étayer la thèse des historiens concernant les frontières de la Civitas.

Plusieurs toponymes répartis sur les zones limites du département actuel, semblent indiquer que le pays des Pétrocores est resté à quelque chose prés le même depuis l'antiquité.Parmi ceux-ci, deux sont très connus : Eygurande, et Firbeix.


 

Eygurande : (Ayguiranda XIe siècle). Toponyme assez fréquent sur le territoire français, sous différentes formes : Aigurande, Eguérande, Iguerande. Le sens en est aujourd'hui formellement reconnu : limite territoriale. Xavier Delamare dans son dictionnaire de la Langue Gauloise (1), pense qu'il s'agit d'un composé gallo-romain tardif, bien que le second élément randa, soit un mot purement celtique et se retrouve dans une multitude de noms de lieux indiquant des frontières. Chamarandes (Hte Marne), Chamerande (Ain) Randan (Puy-de-Dôme) etc. Les formes de l'époque médiévale oscillent entre ico-randa, equo-randa.

Firbeix : Firbès XIIe siècle. Connu comme étant la station Fines (2) de l'Itinéraire d'Antonin, entre Vésone (Périgueux) et Augustoritum (Limoges). Le toponyme Fines de l'époque gallo-romaine indiquait la frontière entre deux Cités. Firbès>Firbeix est la forme avec métathèse du latin fiber(3) : qui fait fin, synonyme du latin finis : fin, frontière.

Eygurande et Firbeix nous donnent donc les limites des zones nord et ouest du département actuel. Nous verrons un peu plus loin que d'autres éléments se rajoutent à ces étymologies et viennent les confirmer.

 


En ce qui concerne la zone sud et la zone est, la forme ancienne du nom Eyrenville, village situé à l'extrémité Sud du département, semble apporter une explication pour la partie Est du département où se situe un village nommé Orliaguet. (voir carte 2).

 

Eyrenville : Aurevilla, 1053. La forme ancienne est un nom composé de Aura, variante graphique du latin ora, rivage, marge, bordure, limite, qui a donné le français orée, bord, lisière d'un bois, et du latin villa, qui désignait un domaine campagnard. Dans ce cas Eyrenville, signifie : village de la bordure.

Orliaguet :  Aurlhaguetum en 1328. Nom composé dans lequel on retrouve la racine Aura/Ora-, qui a aussi donné le bas latin orlum, d'où orle = lisière, et le français = ourlet. La position du village correspond assez bien à cette étymologie, toutefois on ne peut pas exclure une forme diminutive de Orliac, venant du nom d'homme latin Orilius ou Aurelius + suffixe acum, désignant la villa d'un nommé  Orilius ou Aurelius.  Un village nommé Orliac existe bien près de Belvès, mais la distance entre les deux explique mal la forme diminutive. En règle générale, les villages ayant un nom dérivé d'un autre lieu se situent à proximité.

Aurimont :  lieu-dit de la commune de Gout-Rossignol au nord-ouest et à proximité de la limite du département, semble appartenir aussi à la  série de noms dérivés de Aura/ora.

Ces étymologies sont renforcées par l'étude hagiographique. Nous savons qu'à partir de Ve siècle environ, après que les évêques aient créé l'église mère, c'est à dire celle de la Cité sous le patronage de saint Etienne pour la plupart (Périgueux, Angoulême, Limoges, Cahors etc), ils se sont empressés de fonder aux confins de leur diocèse des églises ayant pour titulaire saint Etienne.

La carte 1 nous montre l'implantation de ces églises. Il est intéressant de voir que parmi ces églises délimitant le diocèse, Firbeix, Eygurande, Orliaguet et Gout-Rossignol figurent parmi elles. Eyrenville est sous le patronage de saint Pierre, dédicace qui est  antérieure.  

Notons toutefois que Orliaguet était autrefois dans le diocèse de Cahors avec Carlux et d'autres paroisses du secteur. Ceci ne change en rien sa position frontalière, sachant que les évêchés ont varié sensiblement leurs limites, chacun essayant d'empiéter sur le domaine de son voisin.

Les évêques de Cahors ont également marqué leur territoire en fondant des églises sous le patronage de saint Etienne. Près de Orliaguet, au nord de Cazoulès à la limite du département actuel, le village de Saint-Etienne témoigne de cette volonté. (voir carte 1).


 

Autres toponymes évoquant des limites ( carte 2) :

Parmi les noms de lieux-dits dérivés du gaulois randa > equoranda / iquoranda, J.P.Bost (4), classe les toponymes Eyran-Bas et Eyran-haut, de la commune de Calviac. Auxquels nous pouvons y adjoindre deux noms en raison de leur position géographique : l'Hirondelle, commune de Montcaret, et l'Hironde commune de Saint-Geniès.

La Font des Trois-Evêques, dans la commune de Loubéjac à l'extrémité sud du département, fontaine qui marquait la limite du diocèse d'Agen, de Cahors et de Périgueux, est aussi une indication de limite.

La légende veut que prés de cette fontaine, se trouve une table de pierre où pouvaient manger ensemble les trois évêques, sans sortir de leurs diocèses.

Born-des-Champs: cette commune du canton de Beaumont du Périgord, se situe très exactement sur la limite entre le département de la Dordogne et le Lot et Garonne. La forme ancienne est Bornum XIIIe siècle. On est tenté de faire un rapprochement avec la forme latine bodina, d'où vient l'occitan bouina, et le français borne, d'autant plus qu'au nord du département la forêt et l'étang de Born, (Borz, 1270), servait de séparation entre le Périgord et le Bas Limousin.

Dans la même série nous trouvons, Bourneix, commune de Saint-Saud, Bournet, commune de Bertric-Burée, et un autre Bournet dans la commune de Fontaine. Tous ces villages sont situés à proximité de la limite du département. 

La situation frontalière de Parcoul, nous paraît être un élément convainquant quant à l'étymologie du nom composé de parar et de col, et signifiant passage protégé(5). L'ancien chemin taillé dans le rocher peut encore se constater. C'était un lieu de passage inévitable entre le Périgord et la Charente, mais également une marque territoriale.

Notons que le titulaire et patron de Parcoul est saint Martin. Dédicace qui se retrouve toujours sur les lieux de grands passages.

La localisation de tous ces lieux sur la carte de la Dordogne, créés à des époques différentes, fait apparaître nettement que les limites du pays qui fut jadis occupé par les Pétrocores sont restées dans l'ensemble assez stables. Ceci est d'ailleurs confirmé par toutes les cartes de l'ancienne Gaule. Lorsque le diocèse fut créé vers le IVe ou Ve siècle, il épousa la superficie de l'ancienne Civitas Pétrocoriorum. Par la suite, les fondations frontalières qui se sont succédées ont continué a marquer les limites du territoire.

 

C.B. 

 

 

 

 


 

Notes

1) Editions Errance. 2003.

2)Voir Bull. S.H.A.P tome 21, page 72

3) Voir article de Fr. Meunier dans Bulletin de la société de linguistique de Paris. Tome 1-2 années 1869-1875. Page cxxxvj.

4). Le Périgord Antique. Dans Higounet-Nadal. 1983.

5). A. Dauzat, Dict. Etymologique des noms de lieux. Dictionnaire des noms de lieux du Périgord, Chantal Tanet, Tristan Hordé. Editions Fanlac. 2000.

 


 

 














































 

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14 février 2013 4 14 /02 /février /2013 19:21

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6 septembre 2008 6 06 /09 /septembre /2008 08:03

 

Vélines




 

 

Le site de Vélines, au même titre que celui d'Eymet (1), présente plusieurs indices qui nous permettent de rattacher ce nom de lieu au souvenir d'une très ancienne dévotion.

Le premier point que nous observons dans ce toponyme c'est l'alternance du "b" et du "v" à l'initiale comme nous le démontre le relevé des formes anciennes : Balinas dans un pouillé du XIIIe siècle, Velinis à partir de 1342.
Balinas fait entrer ce nom dans une série de substantifs dérivés de Bélénos, le dieu éminent de l'époque gauloise. Jacques Lacroix dans son livre sur la Gaule des Dieux (2), mentionne un ruisseau près de Beaune appelé Aqua Belina en 1098, puis à Allègre la Font Beline, à Craponne-sur-Arzon une fontaine nommée la Belina, et enfin la Font-Belin, à Saint-Amand-Montrond (Cher). Tous ces noms découlants de Bélénos indiquent d'après lui d'anciens sanctuaires gaulois. Ajoutons à cette liste Belin-Beliet, près de Bordeaux, (Belinum XIe siècle), qu'Albert Dauzat (3) fait venir également de Bélénos. Et enfin, Beaune, Beleyme, Belnom (Bélénos magus), Blénod, ou plus près de nous en Dordogne Beleymas (Belemas, 1268).

Ces exemples démontrent parfaitement les différentes évolutions du nom Belenos. En conséquence, le cheminement graphique de Balinas > (B-V)elinis > Vélines, reste conforme aux règles phonétiques.

Le deuxième point que nous relevons vient argumenter cette thèse. Il s'agit de la position géographique de la ville de Vélines. Elle est proche de la limite du département de la Dordogne dont nous savons que les limites actuelles sont à quelques variantes près les mêmes que celles de la Civitas Pétrocoriorum (Territoire des Pétrocores). Nous avons déjà évoqué cette particularité dans notre étude sur Eymet. Pour mémoire : d'après le constat de Jacques Lacroix, l'implantation des lieux de culte est assez conséquente aux voisinages des frontières territoriales et des grandes voies de communication antique. La voie reliant Périgueux (Vésonne) à Bordeaux (Burdigala), traversait le site aux Réaux. La situation de Vélines colle donc à ces observations (Voir la carte ci-jointe).

 

Le dernier point apporte la preuve formelle que le site de Vélines eut une occupation antique abondante : fragments de mosaïque aux lieux dits Champs des Bardes (4), vestiges d'une "villa", entre les Bories-Hauts et Prentigarde ainsi que des éléments permettant d'identifier des thermes gallo-romains. La découverte de chapiteaux antiques, de tambours de colonnes, et surtout prés de la RN 136, d'une tête de statue barbue surmontée de deux cornes de bélier s'enroulant au-dessus des oreilles(5), complètent cet inventaire. La tête de statue est attribuée à Jupiter-Ammon.

A tous ces indices vient s'ajouter un détail qui revêt une importance capitale dans le cas de Vélines. C'est le nom du titulaire et patron de la paroisse : saint Martin de Tours, dont nous savons qu'il fut l'un des plus illustres destructeurs de temples païens. Son patronage cache dans bien des cas un ancien lieu de culte.

Cette précision est d'autant plus probante si l'on s'en réfère à Beleymas, autre village du Périgord portant un nom dérivé de Bélénos, et dont le patron est également saint Martin de Tours.

L'importance religieuse de Vélines s'est prolongée au Moyen-Age. A partir du XIII e siècle, le village est devenu le siège d'un archiprêtré composait d'une trentaine de paroisses. Auparavant cet archiprêtré portait le nom de Mont Revel, nom d'un ancien fief proche de Vélines qui a appartenu aux seigneurs de Bergerac

Tous ces indices et toutes ces traces archéologiques réunis autour du nom Vélines ne peuvent pas être uniquement le fait du hazard. Aussi, même si les formes graphiques anciennes en notre possession ne remontent qu'au XIIIe siècle, la probabilité que ce toponyme dérive du nom du dieu gaulois Belenos, repose sur des bases aussi solides que celles dont on s'est servies pour faire venir Vélines du nom d'homme gallo-romain Velinus ou Vellinus. Etymologie inspirée par la doctrine toponymique de d'Arbois de Jubainville(6) qui fait remonter l'origine de la plupart des toponymes à des noms d'hommes gaulois ou gallo-romains.

Nous sommes conscients que la restitution de l'origine d'un nom à partir de formes bien postérieures à la formation supposée du toponyme reste un exercice périlleux qui fait une large part à l'hypothèse. Cependant, si l'on arrive à réunir assez d'éléments concordants permettant d'identifier plus précisément l'étymon, on en réduit d'autant la part de l'hypothèse. Après, ce n'est plus qu'une question d'appréciation. Sachant que dans la majorité des cas, aucun document précis ne peut confirmer l'étymologie.

  C.B.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                      NOTES






1).Voir l'étude de ce nom.
2). Les noms d'origine gauloise. Editions Errance. 2007.
3).Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France. Librairie Guénégaud. 1963.
4).Nom assez significatif qui pourrait perpétuer une vieille tradition.
5).Notons au passage que le bélier se dit aussi "belin ".
6). Recherches sur l'origine de la propriété foncière et des noms de lieux habités en France. E. Thorin. Paris 1890.






 

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 14:15
Cadouin
 
 
 
L'acte de fondation de l'abbaye apporte un certain nombre de points importants qui paraissent avoir été ignorés jusqu'à ce jour, du moins en ce qui concerne l'étymologie du nom Cadouin.
C'est l'acte le plus ancien. Il date de 1115, et il est extrait du Grand Cartulaire de L'abbaye de Cadouin . Document qui regroupe toutes les donations des seigneurs du Périgord à Robert d'Arbrissel.  Ce dernier ne conservera pas ces biens. Il les abandonne au profit de Géraud de Salles sur le consentement de Pétronille de Chemillé abbesse de Fontevrault. Suite à cette donation, Géraud de Salles entreprendra la construction de l'abbaye de Cadouin. 
Dans cet acte, il s'avère que le nom Cadouin désignait en premier lieu la forêt, sylva Cadunensis (la forêt du pays de Cadouin, le suffixe -ensis, indique le pays, la région). Ce n'était donc pas un lieu précis, mais une zone boisée dans laquelle se situait un vallon appelé Val Seguin, et dans celui-ci un lieu appelé Bassa Calderia. C'est précisément à cet endroit que va être élevée l'abbaye qui ne portera pas le nom de Basse Caudière ni celui de Val Seguin, mais celui de la forêt : Abbatia S. Mariae de Cadunio (acte de 1201). Cette zone forestière était en fait une partie de la Bessède .
 
Albert Dauzat , suivant la méthode de d'Arbois de Jubainville, considère que c'est le nom d'homme gallo-roman "Catonius" qui est à la base du nom Cadouin. En contrepartie pour un lieu du département du Gard appelé La Cadière, il estime que ce nom est : formé sur le Provençal "cade", genevrier, avec le suffixe - iera (du latin - aria) désignant un endroit où poussent les genévriers et appelé cade en Provençal (du latin catanus). Il rapporte aussi à la racine catanus, Cadenet village du Luberon, Cadaneto et Cadeneto à la fin du Xe siècle, formé selon lui à partir du radical cadene et du suffixe collectif etum. D'autres parts, les lieux Cadenasso, sont des landes de genévriers, en Aveyron et Languedoc, comme l'est Cadière en Languedoc et en Provence, ajoutons-y Cade qui désigne le grand genévriers en Provençal.
Les genièvres apprécient les lieux arides, rocailleux, les sols calcaires, et sont fréquemment associée au chêne vert, kermès et pubescent. La topographie des lieux environnants Cadouin, la nature des terrains (calcaire et molasse) et les essences qui poussent sur les plateaux entourant la ville, correspondent assez bien à cette description. Le chêne pubescent domine et avec lui les genévriers.
Nous retrouvons dans tous ces éléments des ressemblances éloquentes avec les détails donnés par l'acte de donation à Robert d'Arbrissel. Aussi, il semble logique de rechercher l'étymologie de Cadouin à partir de catanus > cadene, genevrier, dont les dérivés Cadeneda, cadenièira, cadenassa, et surtout cadière, désignent des lieux couverts de genièvres.
Le genevrier cade (juniperus ocycedrus) (4) , n'est pas l'espèce la plus répandue en Périgord. Cet arbuste qui a des baies marrons, pousse surtout dans les pays méditerranéens. Cependant, même si cette espèce est peu abondante, elle a quand même été localisée en Périgord où arbres et arbrisseaux de type méditerranéens ne sont pas absents. Ceci explique pourquoi le nom La Genèbre désignant le genièvre commun (Juniperus communis, les baies sont bleus violettes) est le nom le plus fréquent rencontré en toponymie. C'est l'espèce la plus fréquente.
Mais il y a peut-être une autre explication.
Le mot catanus d'où vient cade n'est attesté qu'une seule fois dans un glossaire du VIIe siècle. Et ce n'est qu'au XIIIe siècle qu'il apparaît dans un texte occitan. Certains étymologistes lui donne une origine pré-celtique à cause de son aire géographique qui n'est que gallo-romane et le fait qui ne soit pas présent dans aucune des langues celtiques insulaires. Ce mot qui n'est pas un substantif purement latin est donc très ancien, et il semble bien qu'à l'origine il désignait toutes les sortes de genièvre.
Il est maintenant assez clair, que catanus>cadene, avec le suffixe -ensis, d'où la Sylva cadenensis, ou cadunensis, indiquait un lieu ou pousse le genièvre.
Le relevé des graphies anciennes fait apparaître que le nom Cadunum a évolué vers la forme Cadoynum au XVe, puis Cadoing, mais seulement au XVIIIe.
La prononciation occitane locale Codougn très proche de coudoun, coing, a amené une certaine confusion étymologique. D'où le choix de la ville qui a composé ses armoiries avec un cognassier accosté de deux fleurs de lys. Les forêts de cognassiers ne sont pourtant pas légions, d'autant plus que cet arbuste est originaire du Caucase et d'Iran, et qu'il n'apparaît pas en France avant le XIIIe siècle. Comment aurait-il pu donner son nom à une forêt avant le XIIe siècle? Cette étymologie est donc a effacer des mémoires définitivement.
Conclusion.
C'est sur la base de cadenum, qu'à probablement était formé le nom Cadouin, cad(en)um > cadum, puis Sylva Cadumnensis (forêt de genévriers), nom qui définissait la particularité de la zone, et notamment les versant et les hauteurs entourant le Val Seguin. Le lieu Basse Caudière, où sera bâtie l'abbaye est un argument de plus en faveur de cette étymologie.
Pour finir, le relevé des noms de lieux-dits entourant Cadouin est très significatif : Le Grand Bost, Les Grands Picadis (les grands taillis), Forêt de la Peyre, La Bessoulade, (bosquet de jeunes bouleaux) Les Bouygues (terre défrichée, déboisée), Les Grandes Garennes (futaie où le gibier abonde, notamment le lapin), La Bruguette (bruyère), Les Brandes (lande, bruyère) La Rameyre (rameau), Le Randal (haie, buisson). Tous ces lieux sont inclus dans La Bessède.
Le premier bénéficiare de ce lieu, Robert d'Arbrissel, portait un nom qui le prédestinait à vivre dans la forêt et à y fonder des établissements religieux ( arbrissel ou arbricel = arbrisseau). Il a d'ailleurs contribué au défrichement des forêts d'Anjou et de Bretagne. En 1094, il avait fait bâtir un monastère dans la forêt de Craon (Vienne), Sancta Maria de Bosco.
Pour sa part, Géraud de Salles, fondateur de Cadouin, qui a récolté de Robert d'Arbrissel toutes les donations des seigneurs locaux,  a aussi fondé l'abbaye de Grandselve "Grandis silva", (Tarn-et-Garonne) = grande forêt.
Il est évident que tous ces noms qui ont un lien commun avec la forêt s'explique par le fait que monastères et abbayes ont été implantés dans des endroits reculés, déserts, et fortement boisés, lieux de prédilection pour le cénobitisme. Cadouin n'échappe pas à cette règle. Abandonnont donc la forêt de cognassier pour un lieu où pousse le genièvre. 


C.B


 
Le lieu de Basse Caudière, où est bâtie l'abbaye de Cadouin
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6 mai 2008 2 06 /05 /mai /2008 16:25

 

MOLIERES

                                      (Commune du canton de Beaumont-du-Périgord) 




Molières fait partie de ces villes du sud-ouest créées au XIIIe siècle par les rois, anglais ou français, et appelées bastides. Celle-ci fut fondée en 1285 par Edouard Ier d'Angleterre.

Avant la bastide existait une église, et une paroisse qui portait le nom de "sancti Johannis de Molarii". Elle est mentionnée en 1115 dans un acte de donation concernant l'abbaye de Cadouin. Il ne reste aucune trace de l'église, mais elle apparaît (ruinée) sur la carte de Cassini au XVIIe siècle, ce qui nous permet de la situer à l'emplacement du cimetière actuel au nord du bourg. D'ailleurs, le lieu porte encore le nom de Saint-Jean.

L'usage de désigner un lieu par un nom de saint s'est surtout développé à partir du XIe siècle. Et dans la plupart des cas, on accolait à l'hagionyme un déterminatif, qui permettait de différencier et de situer instantanément la paroisse en question. Si l'on prend le cas de Saint-Jean, le Dictionnaire Topographique de la Dordogne en recense plus de trente cinq, il était donc nécessaire de les personnaliser. Mais cet ajout avait aussi une autre fonction, il indiquait l'appartenance de la paroisse.

Parfois on y adjoignait un nom de rivière ou de ruisseau comme dans Saint-Jean-de-Cole, Saint-Vincent-sur-L'isle, et bien d'autres, mais dans la majorité des cas c'est le nom d'un lieu voisin, ou de la région qui prime.

Dans le cas qui nous intéresse, le lieu voisin de Saint-Jean au XIIe siècle est Molières. Ce nom, qui est probablement antérieur à Saint-Jean, devait désigner un hameau ou un village d'une certaine importance à l'époque, puisque Saint-Jean en dépendait.

L'explication et la situation de ce hameau se trouvent semble-t-il à la fois dans l'étymologie de Molières, dans celle du Titulaire de la paroisse saint Jean-Baptiste, et le renfort d'un toponyme assez significatif.

Commençons par l'étymologie.

Molières dérive du latin moliera, qui selon Frédéric Mistral désignait à l'époque romane, un champ cultivé où l'on voit sourdre de petites sources, un terrain mou, ou un lieu bas où les eaux croupissent. Dans d'autres régions de France le toponyme Molière est synonyme de marais (1). Si l'on y ajoute l'expression : La moulièro a tua de blad, l'humidité a fait mourir le blé, il est clair que ce mot désigne des lieux humides, marécageux. Dans ce cas, moliera ne peut pas s'appliquer à la colline où sera bâtie plus tard la bastide, mais plutôt aux vallons qui l'entourent .


Une carte ancienne, dressée par l'abbé Bruguière (2), nous indique qu'en dehors de la bastide existait autrefois, un lieu appelé La Ville Basse, et un lieu l'Hôpital (Claud de l'Espital), dans le même secteur. C'est là qu'il faut chercher la cause du nom. Car il est indéniable que l'hydrographie est particulièrement importante. Ce même abbé cite plusieurs ruisseaux entourant la ville, celui de Saint-Jean appelé aussi Pisserat, qui prend sa source près de la ville et se jette au nord de la commune dans le Bélingou, le Cousage (Le Roumaguet aujourd'hui) qui borde la commune au sud. Viennent s'ajouter plusieurs fontaines qui alimentaient à la fois ces ruisseaux mais également la ville : la fontaine de la Croze, la Font de la ville, et bien d'autres encore qui rendent le site particulièrement bien fourni en eau. Dans l'un des vallons, poussent encore de nos jours ajoncs et autres plantes aquatiques. Ne cherchons pas plus loin l'origine du nom. Le petit hameau de Molières a d'abord été implanté prés des sources. 

Maintenant attachons-nous à trouver pourquoi le lieu Molières prédominait Saint-Jean. Le lieu l'Hôpital, dans une paroisse patronnée par saint Jean-Baptiste nous interpelle. Car ce toponyme revêt une importance capitale quand il est associé à ce saint. L'un est l'autre rappelle l'ordre des Hospitaliers, autrement appelés les Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, ordre dédié à saint Jean-Baptiste. Les fondations de cet ordre sont restées dans la toponymie sous le nom l'Hôpital. Il en est ainsi à Belvès, Saint-Nexans, Saint-Léon-sur-Vézère, Celles, Angoisse, Bertric-Burée, Cherveix-Cubas, Condat-le-Lardin et la liste n'est pas exhaustive. Toutes ces communes sont d'anciennes possessions de l'ordre des Hospitaliers, où l'on relève un lieu-dit : l'Hôpital.

Une historienne locale indique dans son fascicule sur Molières que ce modeste établissement accueillait les voyageurs suspectés de maladies contagieuses. Si l'on ajoute à cela que le territoire de Molières était traversé par deux anciennes voies gallo-romaines, dont l'une passée prés de l'Hôpital, tous ces détails plaident en faveur de la présence des Hospitaliers dans ce coin perdu de la Bessède (3000 ha de forêt au Moyen-Age). Et dans cette hypothèse, nous avons là l'explication de la prépondérance du nom Molières dès le XIIe siècle.

L'ordre des Hospitaliers a été créé en 1050 à Jérusalem, mais dès sa création cet ordre a possédé des domaines en France. Parfois de simples établissements routiers, comme il en fut probablement le cas à Molières. La commanderie qui avait autorité en Périgord se trouvait à Condat-le-Lardin, laquelle, dès le XIIe siècle apparaît dans les Archives du Grand Prieuré de Toulouse.

Molières n'apparaît pas dans l'état des sites hospitaliers, mais les archives de cet ordre en Périgord étant pratiquement inexistantes jusqu'au XIIIe siècle, il est certain que tous les établissements ne sont pas répertoriés.

Quoiqu'il en soit, le toponyme Molières a fini par effacer celui de l'ancienne paroisse Saint-Jean. Le nom apparaît seul à partir du XVe siècle (Moulières en 1482). Pourtant dans la charte de la fondation de 1285, Edouard d'Angleterre, précise bien "bastida sancti Johannis de Molerii". Ceci sous-entendant que la bastide devait prendre le nom de l'ancienne paroisse. C'est un fait rarissime, car dans la majorité des cas, le nom du saint s'est fortement maintenu dans les noms de villages ou de villes. Mais à Molières, le nom de l'ancienne paroisse s'est amenuisé à mesure que l'influence de son église périclitait ; celle de la ville étant plus spacieuse et plus moderne à l'époque. L'église n'existe plus mais saint Jean-Baptiste est quand même resté le patron de la paroisse. L'église de la bastide est sous le patronage de Notre Dame de la Nativité.

 

En conclusion, le site de Molières, totalement isolé au Moyen-Age dans l'immense forêt de la Bessède, doit son peuplement à la présence de sources et ruisseaux essentiels à la vie, aux anciennes voies de communication, et à la présence d'un hôpital chargé de soigner et d'héberger les voyageurs. Plus tard, la bastide n'arrivera pas à cristalliser assez de population pour que la ville se développe. Molières restera toujours un village modeste, mais sa sérénité est attrayante de nos jours. C'est un magnifique village dont le nom reflète la nature des sols environnants. Le nom était évident. Il "coulait de source".

 

  C.B

 

 

 

NOTES

1). Voir tableau de la géographie de la France. Paul Vidal de la Blache. CNRS

2). Voir les cahiers de l'abbé Bruguière aux Archives départementales de la Dordogne.

 

La Ville Basse et l'ancienne voie reliant Molières à Cadouin





































Source du ruisseau de Saint-Jean dans le vallon

 

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2 mai 2008 5 02 /05 /mai /2008 08:28

BEYNAC, BANEUIL, BANNES

Ces trois villages ont une particularité commune que l'on peut déceler au premier coup d'œil. Ce sont trois sites de hauteur sur lesquels ont été élevées des forteresses médiévales, à Baneuil et Beynac, et un château du XVIe siècle à Bannes. Mais d'autres éléments communs les rapprochent. D'abord des découvertes archéologiques, qui ont révélé l'occupation antique de ces promontoires, ensuite leur nom. Leur substrat est en rapport direct avec la topographie et il illustre parfaitement les différentes évolutions d'une base étymologique au cours des siècles.

Les trois noms sont en harmonie avec les lieux. Leur étymologie et les photos ci-dessous en témoignent.

C'est un mot d'origine celtique, banna, benna, resté dans la langue occitane sous la forme bana, corne, pointe, qui se cache sous l'habillage graphique moderne des trois noms. Si cette racine est facilement reconnaissable dans Baneuil, et Bannes, elle l'est beaucoup moins dans le nom Beynac. Cependant, si l'on s'en réfère aux formes anciennes de ce dernier, Bainaco, Beinacum (1147), Beinachas (1187), Beinagium (1188), Beynacum (1347), et Benaco (1390), à l'évidence, il s'apparente au vieil irlandais bennach, cornu, qui dérive de la forme celtique benna. Comme Benacus, ancien nom du lac de Garde aux promontoires multiples.(1)

Cette étymologie sort totalement du domaine de l'hypothèse lorsque nous observons la topographie du site de Beynac.

Notons tout de même qu'il existait à l'époque antique les noms de personnes Bannus et Banna (2), lesquels selon la méthode de d'Arbois de Jubainville, auraient pu aboutir avec le suffixe gaulois "acos" devenu "acum" en latin, à la même terminaison.
Cependant, si dans la majorité des cas, les noms terminés par le suffixe "acum", sont d'anciens domaines gallo-romains composés à partir du nom de l'ancien propriétaire et du suffixe acum, nous savons que d'autres sont composés à partir de noms du langage courant. Le suffixe "acum" a parfois été rajouté au Moyen-Age par les scribes latins à des noms communs. Nous en avons pour preuve des exemples irréfutables comme Condat, venant du gaulois condate (confluent), écrit Condacum au XIIe et XIIIe siècle. Ce village est situé au confluent du Cern du Coly et de la Vézère. Ou encore, pour Sainte-Foy-de-Longas, le second élément est écrit Longacum en 1156, alors que le toponyme se retrouve précédemment sous la forme Longo Vado (le gué long). Ceci s'explique par la position du village en bordure du vallon marécageux de la Louyre et le passage d'un ancien chemin gaulois reliant Périgueux à Agen. Enfin, Trémolac (XIIIe), devenu de nos jours Trémolat, alors que la forme la plus ancienne est Tomolatum (769).

Tout ceci nous amène à penser que le promontoire de Beynac, dont nous savons qu'il fut occupé dès le paléolithique, puis par la suite par les Celtes devenus des Gaulois, n'a pas pu laisser ses occupants indifférents. Il n'y aurai rien à redire à ce que cette falaise remarquable, cette corne rocheuse, ait largement influencé la dénomination du lieu. Dans ce cas, le suffixe "acum", marquait et identifiait "le village de la corne, de la pointe".

 

Pour les deux autres noms, leur origine est plus évidente. Baneuil (Banolium, XIIIe siècle), est un composé de ban + le suffixe ialo (clairière), la clairière de la pointe ou du sommet, toponyme de l'époque gauloise. Bannes ( Banas, VIe siècle, Banes XIXe siècle), est le plus récent des trois. Il a transité à travers les âges sans altération majeure. Au VIe siècle, le vieux mot gaulois avait encore toute sa signification. Ce n'est que plusieurs siècles plus tard que sera établi le château sur le piton rocheux. Il prendra alors tout naturellement le nom de la particularité de l'endroit : une bana rocheuse dominant la vallée de la Couze.

C.B.


NOTES
1). Dictionnaire de la langue gauloise. Xavier Delamare. Ed. Errance. 2003.

2). Ibid.






























BANEUIL
















BANNES
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1 mai 2008 4 01 /05 /mai /2008 18:55

Trémolat

 

 

 

 

Chercher l'étymologie du nom Trémolat pourrait être la parfaite illustration des difficultés que l'on rencontre lorsque l'on s'efforce de donner une explication à un nom de lieu.

Il est évident que si nous orientions la recherche à partir du nom moderne, nous aurions toutes les chances d'aboutir à une impasse, car cela nous engagerait à rechercher parmi les dérivés du latin tremere (trembler) qui a donné tremulus (tremblant) d'où proviennent les formes occitanes : tremol, tremola (tremblotte), tremolar (trembler) etc… Ces mots ont surtout servi à former des noms de lieux-dits, créés à partir du Moyen-Age et que nous retrouvons de nos jours sous les formes: Trémoulet, Trémoulière, Trémolhède, Trémolie, etc…. Ils désignent des lieux où poussait le peuplier tremble (populus tremula).

A  la lecture des graphies anciennes, dont la liste suit ci-dessous, il apparaît que ce n'est qu'à partir du XVIIIe siècle que le nom est devenu Tremoulac puis Trémolac au XIXe siècle, et enfin Trémolat au XXe siècle. Le "r" qui n'est pas originel est venu s'intercaller, probablement par une mauvaise interprétation, et sous l'influence de l'occitan tremola (tremblotte).  D'autre part, ces formes  témoignent aussi que le suffixe "-ac" n'a aucune valeur étymologique. Ces graphies ne sont donc qu'une interprétation des scribes, lesquels, par attraction des noms de lieux d'origines gallo-romaines créés à partir du nom d'un propriétaire et du suffixe acum, ont reproduit certains noms terminés par atum > at, comme des noms terminés en acum. Et enfin, elles nous démontrent qu'indiscutablement  le populus tremula n'a pas eu d'influence sur la dénomination du lieu. C'est donc une étymologie à bannir définitivement. Il en est de même pour celle, encore plus fantaisiste, qui fait venir ce nom de l'occitan treis-moulis, trois moulins. La langue occitane n'a vu le jour qu'au XIIe siècle.
Formes anciennes : Tomolatum (en 769), Tomolatumque (852), Temolatensis (en 995), Tamolatensi ( Cartulaire de Cadouin acte de 1158), Temoulat (au XIIIe), Temolaco (1218), Themolaco (en 1534), 

En fait, l'explication du nom se descelle dans l'histoire du lieu. En effet, c'est à Trémolat que la légende fait naître saint Cybard (Eparchius) au VIe siècle. Ses parents menèrent une vie sainte, son père Félix Auréolus et sa mère Principia eurent droit après leur mort à un tombeau dans l'église de Trémolat. , "que Dieu honora de plusieurs éclatants miracles" nous dit la légende. Derrière cette légende se cacherait donc un fond de vérité qu'atteste l'étymologie du nom.

Les formes anciennes sont à rapporter au latin "tumulus", qui a d'abord eu le sens de monticule de terre et par extension a désigné un tombeau. On trouve ce mot employé par Virgile dans : " est urbe egressis Tumalus".
Comme on peut l'observer, les variantes dans le vocalisme sont assez fréquentes. Cependant, comme  Edouard Bourciez (1) estime que le "u" est devenu "o" en latin vulgaire, il n'y a rien d'étonnant à ce que tumulus soit passé à tomol-atum. Le suffixe atum marque le lieu. On peut donc donner la signification suivante : le village, ou le lieu du tumulus (tombeau).

Albert Dauzat (2), a opté pour cette étymologie, Chantal Tanet et Tristan Hordé (3) se sont rangés à cette opinion. Il est indéniable que le toponyme s'accorde avec l'histoire du lieu, même si une partie légendaire a occulté le fond de vérité.

En conclusion, la vénération d'un tombeau à partir du VIIe ou VIIIe siècle à Trémolat, époque où le pouvoir de l'Eglise était grandissant, est un prétexte suffisant à la dénomination d'un lieu. Et ceci d'autant plus qu'à Trémolat, la terre a particulièrement été consacrée. Il y avait autrefois deux églises et deux paroisses d'après le R.P. Carles (4), celle de Saint-Hilaire dans le cimetière (photo 1), et celle de Saint-Nicolas dans le bourg. Cette dernière fut probablement remplacée par un monastère créé au début du IXe siècle par les moines de Saint-Cybard d'Angoulême en l'honneur de leur fondateur. Fondation attestée par un acte de Charles le Chauve daté de 852. Ce premier monastère et son église furent ruinés par les Normands. Ce n'est qu'à partir du XIIe siècle que les moines de Trémolat entreprendront la reconstruction de leur monastère et de l'église actuelle (photo 2).

  C.B.

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes

1) Eléments de linguistique romane. Librairie Klincksieck. Paris.

2) Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France. Editions Guénégaud.

3) Dictionnaire des noms de lieux en Périgord. Editions Fanlac

4) Les Titulaires et les patrons du diocèse de Périgueux - Sarlat. Réédition le Roc de Bourzac.



Eglise Saint-Hilaire


L'église du bourg
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26 avril 2008 6 26 /04 /avril /2008 16:11

l Lanquais, Marquay    

 A partir du thème gaulois "caito-, ceto, cetion, cetia, cetum " (prononcer : kaito, keto, ketion etc…) définissant un bois, une forêt, François Falc'hun (1) fait aboutir ce terme à une forme moderne "quèze, quaix, ceze, cize etc…". Evolutions qui sont admises et confirmées par Xavier Delamarre dans son dictionnaire de la langue gauloise (2). Dans le dictionnaire topographique de la Dordogne du vicomte de Gourgues (3), plusieurs toponymes périgordins apparaissent comme dérivés de ce substrat gaulois. Leurs formes graphiques anciennes et la topographie des lieux corroborent fortement cette présomption étymologique.

Un lieu-dit situé dans la commune de Saint-Médard-de-Mussidan se profile comme un témoin précieux. Sa forme actuelle : le Bos de Quey, a tout l'aspect d'une tautologie si l'on considère que Quey découle d'une évolution du gaulois "caito-". En 1459, ce lieu portait le nom de "Casale de Quey", c'est à dire : la maison du bois. Le terme Quey n'étant plus compris depuis longtemps, au XIXe siècle, lorsque les habitants des lieux voisins ont voulu désigner le bois, ils ont changé casale par Bos, sans avoir conscience qu'ils créaient ainsi une redondance.

Cette forme aboutie Quey nous permet d'affecter à la série des dérivés du gaulois caito-, les noms Marquey, lieu-dit de la commune de La Douze qui désigne un bois de châtaigniers, Marquay, commune du canton de Sarlat (Maro+quay = le grand bois) et Lanquais commune du canton de Lalinde (Lano+quay = la plaine du bois). Le village de Marquay, qui se situe précisément dans ce que l'on appelle le Périgord Noir, la partie la plus boisée de notre département, est encore de nos jours entouré de bois très dense. Notamment au nord la forêt Barade rendue célèbre par Eugène le Roy dans son roman Jacquou le Croquant. Il en est de même pour Lanquais. Le village se situe à l'orée d'une forêt appelée justement Forêt de Lanquais.  

Albert Dauzat et Charles Rostaing (4), sont restés assez vague sur l'origine de Marquay. Chantal Tanet et Tristan Hordé le font dériver d'un nom de personne gallo-romain Marcasius, suivant en cela la thèse de d'Arbois de Jubainville qui a réduit la majorité de la toponymie française à des noms venant de domaines gallo-romains. Pour Lanquais, les deux auteurs du Dictionnaire des noms de lieux en Périgord (5) restent  sur la même ligne : du nom gallo-romain Linacus dérivé du latin Linus. Albert Dauzat pense que le nom est pré-latin sans donner plus de précisions.   Xavier Delamarre quant à lui, estime que l'évolution du gaulois " caito-, ceto, cetion, cetia, cetum "préconisait par François Falc'hun, semble valide phonétiquement. Dans ce cas, puisque la topographie forestière et la phonétique s'accordent, pourquoi ne pas admettre l'éventualité d'une influence de la forêt sur le nom de ces villages dont l'archéologie nous confirme qu'ils furent habités à l'époque antique. A Lanquais de nombreuses traces de forges gauloises ont été mises à jour au XIXe siècle par le vicomte de Gourgues. Il en est de même pour Marquay où en 1824, une forge gauloise est signalée par l'historien périgordin, J. De Mourcin (6). Il est clair que lorsque l'on parle de forges gauloises, leur implantation à proximité d'une forêt paraît être une évidence. Il n'y aurai donc rien d'étonnant à ce que le nom de la forêt soit resté fossilisé dans celui du village.  

 

C.B.

 

 Notes

1) Nouvelle méthode de recherche en toponymie celtique. Editions Armoricaines.

2) Editions Errance.

3 )Imprimerie Nationale. Paris. 1873.

4) Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France. Librairie Guénégaud. 2e édition. 1978.

 5) Chantal Tanet et Tristan Hordé.  Editions Fanlac

6) Voir carte archéologique de la Gaules. La Dordogne. Hervé Gaillard.  

LANQUAI22.jpg

Le Château, Le Village dans la plaine à l'orée de la forêt  de Lanquais

 

Lanquais-Marquay.jpg

Situation des deux villages

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9 février 2008 6 09 /02 /février /2008 10:32

Singleyrac

 

Nous relevons comme forme la plus ancienne  : Singleyracum ( Dictionnaire topographique de la Dordogne. Alexis de Gourgues). Par la suite, on trouve Saint Gleyrac (1680), forme fantaisiste qui résulte d'une mauvaise interprétation du nom (1).


C'est à la Renaissance, que les noms de lieu ont subi le plus d'altérations. A cette époque, les vieux noms gaulois, gallo-romains, mérovingiens, carolingiens ou romans, n'étant plus compris depuis longtemps, les scribes, notaires ou autres préposés aux écritures, ont fait perdre alors aux noms de lieux leur substance originelle : soit en les francisant, soit en les interprétant par analogie phonétique. Apparaissent alors des modifications graphiques assassines, et parfois, comme c'est le cas ici, des saints inconnus. Deux autres cas similaires en Bergeracois, sont assez représentatifs des pièges que réserve la recherche étymologique : Saint Onger, dont l'origine est Saintongers (habitants de la Saintonge, pays de Saintes, Charente-Maritime), ou encore, Saint-Nexans, venant de Sainte Naissance.
Pour conclure, il est évident que dans le cas qui nous intéresse, c'est la forme Singleyracum qui apparaît comme base de recherche, et ce nom appartient  à la série de noms composés d'un nom latin et d'un suffixe d'origine gauloise "acos" passé à la forme latine "acum".  Suffixe qui se retrouve dans une multitude de noms de lieux terminés de nos jours en "ac", dans le sud de la France, et détermine l'appartenance. C'est ainsi que Julliacum qui définit le domaine de Julius a donné Juillac, dans le sud de la France et Juilly, Juillay, plus au nord.  Citons aussi comme exemple :  Iccius, passé avec le suffixe  acum à : Icciacum, Issiacum, et avec l'accentuation Issijac, Issigeac, mais également Issy, Issac, etc…

 

Afin de mieux comprendre le système de dénomination des villages dont le nom est terminé par "ac", il faut revenir sur le système onomastique romain appliqué en Gaule après l'occupation romaine.

A l'époque, les citoyens romains, possédaient trois noms, le prénom, nomen, le gentilice (le nom du clan), et le cognonem, le surnom. Ainsi Jules César se nommait en fait, Marcus (prénom), Julius (nom du clan ou famille), Caesar (surnom). C'est à partir de l'un des ces trois noms, que l'on définissait le nom du domaine en y rajoutant le suffixe "acum". On affichait ainsi l'appartenance du domaine.

Le gentilice que l'on peut comparer à notre nom de famille, se transmettait de génération en génération.  Le surnom (cognonem) était individuel. Il évoquait soit le caractère, l'aspect physique ou un défaut de naissance quelconque et parfois l'ordre de la naissance dans les familles nombreuses. Ainsi, Primus, Secondus, Tertius, que l'on retrouve dans la toponymie sous les formes, Primiacum devenu Prémilhac, Prémilhat (Allier) Secondiacum devenu Segonzac (Corrèze, Dordogne), Tertiacum devenu Tersac, et Tarsac (Gers) etc…

Le surnom (cognonem) qui dérivait d'un substantif ou d'un adjectif, va peu à peu devenir un vrai  nom qui permettara d'identifier plus précisément une personne de la famille. Et, en y rajoutant le suffixe "acum", on situera l'endroit précis où  réside cette personne.


Dans le nom Singleyrac, l'étymon paraît être un cognonem. Albert Dauzat (2) y voit le terme latin "singularis", que Du Cange explique par : particulier, condition privé, solitaire, et qui a donné en français singulier et sanglier.

Etymologie acceptable compte tenu que, Singularius + acum, peut aboutir à Singlaracum et à la variante graphique Singleyracum.

A ce jour, l'archéologie n'a révélé aucune trace datant de l'époque gallo-romaine à Singleyrac. Mais une occupation antérieure est prouvée grâce à la découverte d'une tombe gauloise(3). Dans cette sépulture, se trouvaient une hachette et un glaive en bronze, un fragment de vase en poterie et un collier de fil d'or en spirale. Un peu plus tard, en 1882, on a dégagé plusieurs sarcophages de l'époque mérovingienne. Ils contenaient quatre couteaux en fer, deux agrafes de ceinturon en fer, une autre en bronze ciselé (4).

L'occupation de l'époque gallo-romaine, intermédiaire des périodes citées ci-dessus, n'est pas attestée, si ce n'est par le nom. Toutefois sachant qu'à l'époque mérovingienne, les villas gallo-romaines furent réoccupées, puis remplacées soit par une église ou une autre bâtisse, il est assez délicat de retrouver des traces, car dans la plupart des cas celles-ci sont recouvertes par le village et l'église. Il en est ainsi à Montcaret ou Issigeac, Saint-Léon-sur-Vézère, Port-Sainte-Foy, ou Pontours, où les fondations gallo-romaines ont été découvertes à proximité ou sous l'église.

A Singleyrac, il ne semble pas qu'il y est eu de fouilles, mais le hazard de travaux ou de restaurations pourrait à l'avenir faire surgir des découvertes archéologiques attestant l'occupation du site à l'époque gallo-romaine.
En attendant ce jour, le toponyme reste quand même l'indice le plus précieux concernant cette période. Un nommé Singularius, est probablement à l'origine du nom du village.

 

  C.B.

 


NOTES.

1)Cette erreur est appelée une mécoupure

2). Les noms de Lieux en France

3) Note dans le Bulletin de la société archéologique de Bordeaux. Tome 16. Année 1891. Page 26 et suivantes.

4) Voir note dans le Bulletin de la Société archéologique du Périgord. Année 1882. Page 208

 

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11 novembre 2007 7 11 /11 /novembre /2007 07:41

Badefols-sur-Dordogne

 

Le nom Badefol apparaît pour la première fois dans les textes en 1120.

L'étymologie la plus commune de ce nom vient d'Albert Dauzat (1), qui l'analyse comme venant de l'occitan badar (ouvrir), et fol (fou), ouvre fou. Etymologie reprise depuis par tous les historiens, mais qui est loin d'être satisfaisante. Aussi, peut-être pourrions nous en donner une plus réaliste en fouillant dans le passé historique du village.

 

Une découverte archéologique, dans les champs avoisinants le village nous ouvre une autre perspective, tout en nous donnant un indice de l'occupation du site antérieure au Moyen-Age.

Il s'agit d'une pierre tombale portant une inscription datant de l'époque mérovingienne : "Anniberto centenario pedatore vilat esse francorum". Le centenier était un chef de troupe ayant à sa charge un secteur appelé "centaine", territoire qui avait à peu prés la superficie d'un de nos cantons actuels. Nous avons donc la certitude qu'à Badefols, un centenier mérovingien occupait la place.

Selon la tradition orale, un vieux "castrum", aurait précédé le château féodal au sommet de la colline. On peut penser que c'est là que résida le centenier nommé Annibert, car de ce promontoire, tous les mouvements routiers et fluviaux pouvaient être contrôlés. Un peu plus tard, les Gontaud de Badefols, seigneurs du lieu à partir du XIIe siècle, profiteront largement de cette situation pour taxer voyageurs et marchandises.

 

Entre Lalinde et Badefols-sur-Dordogne, les bords de la rivière sont très basses et permettent une traversée aisée de la Dordogne en été. Plusieurs gués très anciens sont encore visibles de nos jours lorsque la rivière est basse.

Il n'y a donc rien d'étonnant à ce qu'un "castrum" ait contrôlé à la fois la rivière et la route.

Annibert est le seul personnage de l'époque mérovingienne dont nous ayons la trace, mais il est fort possible qu'il ait eu des prédécesseurs et des successeurs. Et l'un de ces personnages a pu laisser son nom au lieu. Nous savons que le procédé de nomination le plus fréquent en toponymie, et même l'un des principaux à partir de l'époque gallo-romaine, était de donner le nom du premier propriétaire ou premier occupant d'un lieu. Voilà pourquoi une multitude de lieux en France portent un nom d'homme.

Malheureusement, nous ne pouvons pas argumenter cette hypothèse par des documents, il n'en existe aucun avant le XIIe siècle. Toutefois, dans un ouvrage de Marie-Thérèse Morlet (2), dans lequel elle a établi un lexique des noms germaniques, nous avons pu relever le nom d'homme Baudulfus. Ce nom, qui est un composé de deux termes germaniques : bade / combat, et - (w)ulfus / loup, a pu phonétiquement évoluer vers la forme moderne Badefols.

Le second terme -wulf >ulfus, a abouti à "-ol" dans le nom Arnol, Arnold, passés à Arnoul et Arnouil en zone occitane. Cette série de noms vient de arn-wulf. Nous pouvons aussi citer ce qui ont pour origine Adwulf, devenus Adol, Adolf et Adoul.

Mais il est probable que le second terme ait été confondu lors des transcriptions avec le suffixe latin "eolu" qui a donné les terminaisons en "ol", comme dans Pujol, Poujol, Pouyol, série de toponymes venant du latin podium.

Les scribes du Moyen-Age, imprégnés de culture latine, ont très souvent modifié par leurs interprétations les noms anciens.

En conclusion, Baudulfus > Bodefou > Badefol (1120),  paraît être plus logique que badar-fol, qui n'a aucun sens toponymique.

 

  C.B.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1). Dictionnaire étymologique des noms de lieux de France. Librairie Guénégaud.
2). Les noms de personne sur le territoire de l'ancienne Gaule. Editions du CNRS. 1985. 






Les ruines du château de Badefols sur la colline qui domine la rivière



Chateau-les-ruines.JPG

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