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3 juin 2007 7 03 /06 /juin /2007 08:54

Les Martres

 

La découvertes d'une quinzaine de sarcophages, en 1967, à Saint-Maime-de-Péreyrol près de Vergt (Dordogne), dans un lieu appelé les Martres, a confirmé, si cela était encore nécessaire, que ce toponyme indique dans la majorité des cas une ancienne nécropole.

Le nom vient de martyretum, ce qui à première vue indiquerait l'endroit où aurait été enterré un ou plusieurs martyrs. Mais les fouilles de ces lieux ont révélé qu'il s'agissait surtout d'antiques cimetières gaulois, gallo-romains ou barbares. La plupart de ces toponymes ont été formés au Moyen-Age, époque où la tradition orale en a fait des lieux où reposaient des martyrs chrétiens.

Le plus connu est Montmartre (montem Martyrum, 937), que l'on a aussi attribué à Mercure. Mais sur ce point les avis restent très partagés.

Jacques Soyer (1), a pris comme base étymologique la forme latine martyretum, car il fut employé au XIIe siècle dans un document pour désigner le cimetière de la paroisse Saint-Gervais à Paris. - C'est un nom composé de martyr- plus le suffixe neutre etum, indiquant la collectivité, écrit-il. Ce mot a abouti à des formes légèrement différentes suivant les régions : martroi, martroy, martrai, martrei, martray.  

La forme Martroy ou Martray, désigne souvent une place publique qui était aussi un ancien cimetière désaffecté. C'est le cas notamment à Orléans, où existait au Moyen-Age, près de l'enceinte romaine deux lieux appelés "martrois". L'un d'eux, était l'ancien cimetière de l'église Saint-Sulpice, dédicacée à un ancien évêque de Bourges. C'est là où se tiendra un marché à blé, et un plus tard un marché à l'osier. Avec l'agrandissement de la ville, ce cimetière désaffecté, situé en premier lieu hors des murs, va être gagné par les constructions et deviendra peu à peu une place publique servant de lieu d'exécution. D'où une certaine confusion entre Martroy et le martyre de ceux que l'on exécutait. 

La liste des découvertes archéologiques dans les lieux Martres, Martroy, Martray, est sans ambiguïté. Ces lieux sont pratiquement tous d'anciens cimetières. 

C'est notamment le cas à Nanterre, où une place Martray avait remplacé l'ancien cimetière. Camille Jullian, en cite d'autres : le martroi Saint-Gervais à Paris, qui se serait constitué en 386, au moment de la grande vogue des reliques des saints Gervais et Protais ; le martray de Dugny, révélé par un lieu-dit où se trouvait encore à l'époque de Camille Jullian le cimetière, enfin le martray de Thiais.
D'autre noms de lieux dérivées de martyretum apparaissent dans la toponymie sous les formes Marteray, Marthouret, Martoulet, Martroux, Martory, Martorie. Noms qui méritent que l'on y porte attention car ils pourraient indiquer d'anciens lieux de sépultures. D'autant plus, si ces lieux sont à proximité d'une ancienne voie. Car jusqu'au VIIe ou VIIIe siècle, les nécropoles se situaient hors des villes et des villages ; très souvent en bordure d'une voie antique.

En conclusion, terminons par la légende de saint Vidian, martyr à Martres-Tolosane, dans le diocèse de Toulouse au VIIIe siècle. " Le père de Vidian, qui été de la maison d'Alençon, avait pris les armes contre les Sarrasins mais fut fait prisonnier à Lucerna, en Galice. Le roi Sarrasin, ayant consulté ses oracles, demanda à ce que l'on échange le prisonnier contre son fils Vidian. Ce qui fut fait. Mais une marchande venue de Lactora au pays des Vascons, libéra l'enfant, qui s'employa au négoce avec sa libératrice. Plus tard, poussé par le désir de vengeance, Vidian, rassemblera une armée et marchera sur Lucerna qui brûlera. Après cette glorieuse expédition, il reviendra en France auprès de Charlemagne qui le comblera d'honneurs. Mais apprenant que les Sarrasins avaient fait une nouvelle incursion, Vidian se rend avec son armée sur les bords du fleuve Garonne, près d'Angonia. La bataille se déroulera dans un champ appelé le Campestrés. Au cours du combat, Vidian, est gravement blessé. Il se traîne jusqu'au bord d'une fontaine pour y laver ses blessures, mais les quelques Sarrasins qui n'avaient pas succombé sous les coups de son armée, réussirent à le capturer et lui coupèrent la tête.
Sa mère, prénommée Stacia, ayant appris son martyre, vint à Angonia, et lui fit élever un tombeau en son honneur. C'est à cette occasion que la ville aurait pris le nom de Martre ". (2) 

En fait il semble que la ville tienne son nom de deux cimetières païens découverts au XIXe siècle dans un lieu-dit de Martres-Tolosane, appelé "Vicus de Saint-Cizy". De nos jours les historiens ne croient plus à une invasion des Sarrasins, ni même à l'existence du mythique saint Vidian.

Le relevé des toponymes les Martres a permis la découverte de plusieurs cimetières antiques et il est évident que tous les lieux dérivés de martyretum, n'ont pas encore livré leurs secrets.

 

  C.B.

 

 

 Notes :

1) Revue des Etudes anciennes. 1925.
2) Histoire générale de l'Eglise de Toulouse. Abbé Salvan.

 

 

 

 

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